Introduction

Avec plus de 40 ans d’existence, le PEEK (polyéther éther cétone) est l’un des acteurs les plus établis dans la catégorie des matériaux haute performance (cf. la pyramide des thermoplastiques). Il est courant de voir des pièces en plastique PEEK fabriquées par moulage par injection et même par usinage CNC.

L’impression 3D du PEEK est, quant à elle, comparativement beaucoup plus récente, avec un nombre restreint mais croissant d’imprimantes 3D compatibles avec le PEEK sur le marché.

Le PEEK est souvent recherché (et commercialisé) pour toutes sortes d’applications d’impression 3D. Mais, bien qu’il s’agisse d’un excellent matériau, le PEEK présente d’importantes barrières à l’entrée. On parle notamment de prix et d’imprimabilité (facilité d’impression). Les utilisateurs de la fabrication additive (AM) sont donc de plus en plus à l’affût de substituts.

Cet article examine les principales raisons derrière cette tendance et présente quelques-unes des meilleures alternatives au PEEK.

Un aperçu de l’intérieur de l’imprimante 3D haute température d’AON3D. Source : AON3D

Pourquoi chercher des alternatives au PEEK ?

Le PEEK fait partie du groupe des polymères dits de haute performance, au sommet de la pyramide des thermoplastiques. Il présente en effet des propriétés mécaniques et thermiques exceptionnelles, inégalées par les matériaux d’ingénierie courants. Le PEEK offre également une résistance élevée aux produits chimiques et aux radiations, ainsi que des caractéristiques inhérentes de retardement de flamme (UL-94 V-0 FST).

Propriétés typiques du PEEK :

Prix du filament au kg$600-$700
CristallinitéSemi-cristallin
Tg (température de transition vitreuse)~143°C
Tm (température de fusion)~340°C
Température requise pour la buse360-410°C
Température requise pour le plateau d’impression120-170°C
Résistance à la traction~100 MPa
Module de traction~3700 MPa
Quelques propriétés et exigences d’impression clés pour le PEEK. Il s’agit de chiffres approximatifs pour le PEEK simple, ils peuvent varier en fonction du fabricant.

Ce thermoplastique de qualité supérieure est principalement destiné à des applications à grande valeur ajoutée dans des secteurs exigeants comme l’aérospatiale, l’énergie et la médecine. Dans de nombreux cas, le PEEK est même considéré comme une alternative au métal pour la production de pièces solides et légères.

Cependant, le PEEK– surtout sous forme imprimable en 3D (filament, poudre, …)– est nettement plus cher que la plupart des plastiques et beaucoup plus difficile à traiter.

Le PEEK est coûteux

Les matériaux haute performance sont déjà, de base, plus chers que les matériaux standard. Cependant, le PEEK est particulièrement cher, et encore plus pour l’impression 3D.

Le problème réside principalement dans le format du filament. Grossièrement, étant donné que le PEEK doit être chauffé à haute température pour fondre, il est coûteux de transformer les granulés de PEEK en filament de PEEK adapté à l’impression.

Remarque : certaines imprimantes 3D sont équipées d’extrudeuses de granulés au lieu d’extrudeuses de filaments. Seules quelques rares imprimantes 3D à granulés sont capables de chauffer à des températures compatibles avec le PEEK.

Le PEEK est difficile à imprimer

D’un côté, le comportement semi-cristallin du PEEK est sa plus grande force, mais de l’autre, sa plus grande faiblesse. Le taux de cristallisation de ce matériau est extrêmement élevé, ce qui signifie qu’il se cristallise trop rapidement après la moindre baisse de température.

Trois problèmes majeurs en découlent :

  • Rétrécissement important: Lorsque les chaînes de polymère se réorganisent en structures cristallines compactes, l’objet perd inévitablement de sa précision dimensionnelle et a tendance à se déformer. Bien que ce problème soit commun aux plastiques de haute performance (et même à certains plastiques standard ou d’ingénierie), le gauchissement du PEEK est particulièrement difficile à gérer. Il est difficile au point que les pièces présentant des zones larges et plates sont considérées comme presque impossibles à imprimer.
  • Températures de traitement extrêmement élevées : Contrairement aux matériaux amorphes, qui peuvent être traités juste au-dessus de leur Tg, les matériaux semi-cristallins doivent atteindre un seuil beaucoup plus élevé, la Tm. Travailler avec les températures extrêmes du PEEK nécessite des équipements très robustes et pose des problèmes de régulation thermique.
  • Mauvaise adhérence des couches : Lorsque la buse dépose une couche de PEEK, le matériau doit s’écouler librement pour permettre une fusion optimale des couches. Ce n’est pas possible si le refroidissement est trop rapide, et ce problème devient encore plus marqué lorsque les structures cristallines empêchent une bonne diffusion. Au bout du compte, les qualités mécaniques supérieures du PEEK ne sont pas pertinentes si les couches ne peuvent pas adhérer correctement les unes aux autres.

Heureusement, le marché actuel offre un ensemble solide d’alternatives rentables et plus faciles à imprimer que le PEEK. Les matériaux suivants sont parmi les meilleures alternatives au PEEK.

PEKK

En matière de performances, le PEKK (polyether cétone cétone) est le plus proche du PEEK dans cette liste puisqu’il appartient à la même famille, celle des PAEK (poly aryl ether cétone). Moléculairement, ces deux matériaux ne diffèrent que légèrement dans la façon dont ils ordonnent leur séquence de monomères.

Propriétés typiques du PEKK:

Prix du filament au kg$700-$800
CristallinitéSemi-cristalline et amorphe
Tg~160°C
Tm~340°C
Température requise pour la buse350-380°C
Température requise pour le plateau d’impression120-140°C
Résistance à la traction110 MPa
Module de traction2750-3200 MPa
Quelques propriétés et exigences d’impression clés pour le PEKK. Il s’agit de chiffres approximatifs pour le PEKK simple, ils peuvent varier en fonction du fabricant.

Le PEKK peut offrir des propriétés légèrement supérieures dans l’ensemble, mais ce qui fait vraiment la différence, ce sont ses taux de cristallisation réglables.

En effet, grâce à cela, les fabricants de matériaux peuvent modifier la cristallinité de leur PEKK et améliorer son imprimabilité. Ainsi, différents types de PEKK sont disponibles (par exemple, PEKK-A, PEKK-C), allant d’un matériau entièrement amorphe à un matériau hautement cristallin

Un PEKK amorphe peut être imprimé à des températures plus basses, facilement, sans tous les problèmes et contraintes engendrés par le PEEK. Après l’impression, les pièces en PEKK peuvent être recuites pour exploiter les avantages des propriétés semi-cristallines.

Il n’y a pas grand-chose à dire sur les inconvénients du PEKK, hormis l’incontournable fait qu’il est encore plus cher que le PEEK. Cela dit, même si une bobine de 1 kg de PEKK peut coûter 200 € de plus qu’une bobine de PEEK, il offre plus de fiabilité et de répétabilité, ce qui permet finalement de réduire les coûts. Le PEKK est également un matériau relativement nouveau, avec moins d’antécédents et moins de certifications que d’autres plastiques haut de gamme.

Un engrenage de rechange fabriqué en PEKK-A. Source : Kimya

PEI (ULTEM)

Le PEI (polyétherimide), mieux connu sous son nom de marque « ULTEM » déposé par SABIC, est un autre plastique haute performance populaire. Bien qu’il ne présente pas les avantages semi-cristallins des PAEK et qu’il soit moins performant dans l’ensemble, le PEI est l’un des préférés des industries haut de gamme depuis des décennies en raison de ses extraordinaires propriétés ignifuges.

Le PEI, disponible pour un tiers du prix du PEEK, offre également une excellente adhésion des couches et est beaucoup plus facile à imprimer (avec le bon équipement). Cependant, le PEI a une Tg extrêmement élevée, il n’est donc pas aussi facile à imprimer que d’autres matériaux comme le PEKK.

En fabrication additive (FA), le PEI est disponible en deux principales versions, ULTEM 1010 et ULTEM 9085. La différence entre les deux est assez subtile. Alors que l’ULTEM 1010 est plus rigide, l’ULTEM 9085 présente de meilleures propriétés de résistance aux chocs.

Bien que l’ULTEM 1010 ait fait ses preuves dans les industries médicale et alimentaire, l’ULTEM 9085 est plus populaire en raison de son utilisation (en FA) de longue date pour les composants intérieurs dans l’aérospatiale. L’ULTEM 9085 est bien connu pour sa certification FAR 25.853, émise par la FAA pour les intérieurs d’avions.

Propriétés typiques du PEI:

Prix du filament au kg$220-$250
CrystallinitéAmorphe
Tg190-220°C
Tm340-360°C
Température requise pour la buse350-390°C
Température requise pour le plateau d’impression120-160°C
Résistance à la traction~55 MPa
Module de traction2000-2500 MPa
Quelques propriétés et exigences d’impression clés pour le PEI. Il s’agit de chiffres approximatifs pour le PEI non chargé, ils peuvent varier en fonction du fabricant.

Polysulfones (PPSU, PSU, PES)

Les polysulfones ou PAE sont souvent considérés comme une alternative supérieure au PC (polycarbonate). Ils présentent une structure amorphe, un aspect translucide et une grande solidité, ainsi qu’une excellente résistance aux produits chimiques, aux UV et aux rayons gamma.

Cependant, l’aspect dans lequel ils excellent le plus est la résistance à l’hydrolyse, ce qui les rend idéaux pour les applications alimentaires et médicales où la stérilisation par autoclave est nécessaire.

Cette famille de matériaux est souvent comparée au PEI en raison de leurs performances similaires, de leur large adoption par diverses industries et de leurs certifications (conformes à la FDA, à l’USDA, à l’USP Class VI). Les polysulfones ont tendance à être plus abordables que le PEI mais sont plus difficiles à imprimer, en partie parce qu’ils ont les Tg les plus élevées de cette liste.

Propriétés typiques des matériaux de la famille des Polysulfones :

Prix du filament au kg$150-$220
CrystallinitéAmorphe
Tg190-230°C
Tm
Température requise pour la buse360-390°C
Température requise pour le plateau d’impression140-160°C
Résistance à la traction~55 MPa
Module de traction2100-2300 MPa
Quelques propriétés et exigences d’impression clés pour la famille de matériaux polysulfone. Il s’agit de chiffres approximatifs pour le polysulfone simple, ils peuvent varier en fonction du fabricant.

PPS

Le PPS (sulfure de polyphénylène ; à ne pas confondre avec le PPSU ou polyphénylsulfone) est un thermoplastique semi-cristallin. Ce matériau se situe à la limite entre les plastiques d’ingénierie et les plastiques à haute performance.

Bien qu’il ait la Tg la plus basse et qu’il ne soit pas le matériau le plus résistant de cette liste, le PPS possède la meilleure résistance chimique de tous les thermoplastiques existants. Grâce à sa structure cristalline unique, ce matériau n’est soluble dans aucun solvant connu à moins de 200°C et fait partie des polymères les plus durs. Pour cette raison, le PPS est très demandé dans les applications chimiques, pétrolières et gazières, par exemple pour les réservoirs de carburant.

Comme le PEEK, le PPS présente les avantages des thermoplastiques semi-cristallins. On pourrait dire que le PPS est la version « light » du PEEK. Bien que l’adhérence de ses couches ne soit pas aussi bonne que celle des autres options de cette liste, le PPS est relativement facile à imprimer (en partie grâce à sa faible Tg et à ses taux de cristallisation).

Propriétés typiques du PPS:

Prix du filament au kg~$200
CristallinitéSemi-cristallin
Tg~90°C
Tm~285°C
Température requise pour la buse315-345°C
Température requise pour le plateau d’impression120-160°C
Résistance à la traction~50 MPa
Module de traction2650 MPa
Quelques propriétés et exigences d’impression clés pour le PPS. Il s’agit de chiffres approximatifs pour le PPS simple, ils peuvent varier en fonction du fabricant.

PEEK à fibres de carbone (CF-PEEK, PEEK chargé de fibres de carbone)

Ce mélange combine le meilleur du PEEK et de la fibre de carbone en un seul matériau. Comme c’est généralement le cas avec tout autre mélange de fibres de carbone, le PEEK CF peut être environ quatre fois plus rigide (mais moins ductile) que le PEEK standard, selon le pourcentage spécifique de fibres de carbone (généralement entre 10 et 30 %).

En outre, la fibre de carbone augmente la conductivité thermique, ce qui renforce la stabilité du matériau matrice (matériau auquel est incorporé la fibre de carbone) à des températures plus élevées.

Une pièce imprimée en 3D en PEEK-CF. Source : 3DFilaPrint

L’un des principaux avantages des mélanges CF-PEEK est leur imprimabilité. Les brins de CF maintiennent le matériau en place, ce qui permet une précision dimensionnelle optimale, une forte adhésion des couches et des finitions de surface élégantes. Compte tenu de ses avantages, beaucoup s’attendraient à ce qu’il soit plus cher que le PEEK, mais leurs prix sont similaires.

Les principaux inconvénients de ce matériau sont, tout d’abord, son manque de certification nécessaire pour les réglementations de conformité strictes. Deuxièmement, sa forte abrasivité peut poser problème dans les applications à forte usure et signifie que l’imprimante 3D doit être équipée de composants durcis (buse, engrenages de l’extrudeuse, etc.).

Nous n’avons pas inclus de tableau pour les propriétés des mélanges de CF car leur prix et les températures d’impression peuvent varier considérablement d’un matériau matrice à l’autre. Nous pouvons toutefois affirmer qu’en incorporant des brins de CF dans des matériaux de haute performance, leur résistance à la traction et leur module peuvent être amplement améliorés :

  • Résistance à la traction : 100 – 200 MPa
  • Module de traction : 8000 – 17500 MPa

Conclusion

Il existe de nombreuses alternatives au PEEK, et chaque matériau a ses propres forces et faiblesses. Le choix de la meilleure alternative au PEEK pour vous dépendra de votre cas d’utilisation, de votre budget et de votre imprimante 3D si vous en possédez déjà une.